.....L'autre fonce vers nous; comme je vais lever la main pour faire commencer le feu, je ressens nettement la secousse en coup de marteau d'une corde à piano tranchée par une balle; puis d'autres projectiles nous arrivent encore pendant que la mitrailleuse, derrière moi, précipite sont martèlement, puis se tait. Quand nous arrivons à la hauteur de l'ennemi, à contre-bord, si près que nous dansons bientôt dans les remous de son sillage, n'ayant pas reçu latéralement sa bordée, je comprend : l'ennemi tire en avant !.....
..... L'autre,  plus rapide et plus maniable, avec sa mitrailleuse dans l'axe, va nous envoyer au sol ; je me tourne vers le capitaine pour faire cesser le feu, et je crie dans le vent : «foutus !». Il saisit le mot sur mes lèvres et ne bronche pas ; agrippé à sa mitrailleuse, la figure figée, et les yeux plein d'une rage désespérée, il guette l'autre qui revient vers nous en nous envoyant sa bordée....

André C.H.A était pilote au début de la 1ère guerre mondiale, il a servi dans l'aviation de reconnaissance et de bombardement dès le début du conflit en Août 1914. Abattu par un avion allemand en décembre 1916, il s'écrase dans le no man's land entre les lignes sur le front. Ramené par quelques courageux poilus dans les tranchées alliées, et gravement blessé au visage, il est évacué ensuite.
Je n'ai pas pu trouver le nom de l'homme correspondant aux initiales C.H.A, ni son devenir après ce récit. La seule certitude c'est qu'il y a survécu, puisqu'il a fait le récit de ces 2 années de guerre.