Né dans une famille de riches bourgeois parisiens, qui comptait déjà des scientifiques de renom, Claude Perrault est le frère aîné de l’écrivain Charles Perrault, célèbre pour ses Histoires ou Contes du temps passé. Il étudie d’abord la médecine et la physique, s’affirmant comme un partisan de l’« iatromécanisme » prôné entre autres par G. A. Borelli, théorie alors en grande vogue, ce qui lui vaut d’enseigner dès le début des années 1650 la physiologie et l’anatomie puis d’entrer en 1666 à l’Académie des Sciences. Auteur de plusieurs traités de physique, il ne manque pas d’attirer l’attention de Colbert, qui sera également le principal protecteur de son frère. Bien introduit à la cour, il est chargé, en raison de ses connaissances dans le domaine de l’astronomie, de la conception de l’Observatoire de Paris, construit entre 1667 et 1669, puis est nommé directeur du comité pour l’élaboration de la façade orientale du Louvre, avant d’être invité en 1672 dans la toute nouvelle Académie d’Architecture, créée l’année précédente. Cette institution avait pour fonction essentielle de définir une doctrine globale de la grande architecture française ; fondée sur des principes rationnels qui devaient trouver leur caution historique et théorique dans les œuvres de l’Antiquité, en fait dans les créations de la période impériale romaine, les seules qui fussent vraiment accessibles à l’époque, cette doctrine devait assurer aux monuments du règne de Louis XIV une valeur universelle et rendre à la France la place qui lui revenait dans le concert des nations européennes. Cette volonté de définir dans le domaine de la construction publique, qu’elle fût religieuse ou profane, un art où la notion de beauté répondrait à des règles dûment établies et rendues incontestables par le prestige des écrits ou des édifices dont elles seraient tirées suscita plusieurs opérations à caractère officiel, au nombre desquelles on compte l’envoi de l’architecte Antoine Desgodets à Rome, non pas en tant que pensionnaire de l’Académie de France créée dans cette ville par le même Colbert en 1666, mais avec la mission particulière de faire des relevés aussi précis que possible des monuments antiques.
C’est dans ce contexte que Claude Perrault, dont la compétence en tant que bâtisseur ne semble pas avoir été fondée sur des études spécifiques, mais sur une expérience solide et sur une connaissance approfondie des traités de l’Antiquité et de la Renaissance, cette dernière le désignant aux yeux de Colbert comme un spécialiste de la théorie architecturale, et qui avait en outre le mérite de maîtriser le latin et sans doute à un moindre degré le grec ancien, se vit confier dès les années 1665-66 la traduction et le commentaire détaillé du De architectura de Vitruve. Ce singulier médecin-architecte a tout de suite mesuré la tâche et les responsabilités impliquées dans ce « commandement » à lui transmis par le pouvoir. La première édition française de ce traité fondamental, le seul qui eût échappé au naufrage presque total de la littérature technique de l’Antiquité, celle de Jean Martin, parue à Paris en 1547 et rééditée en 1572, malgré la qualité des illustrations de Jean Goujon, n’avait pas connu un grand succès, en raison de l’obscurité relative de sa traduction. Or il était, dans le projet colbertien, de la plus haute importance de rendre sûre et accessible à tous les corps de métiers engagés dans la construction la connaissance de ce traité latin, dont on continuait à penser qu’il contenait les principes fondateurs de ce qu’on n’appelait pas encore l’architecture classique. Perrault l’affirme dès le début de sa préface : « Entre les différents soins que l’on a employés en faveur de l’architecture, la traduction de Vitruve n’a pas semblé peu importante : on a estimé que les préceptes de cet excellent auteur, que les critiques mettent au premier rang des grands esprits de l’antiquité, étaient absolument nécessaires pour conduire ceux qui désirent de se perfectionner dans cet art, en établissant, par la grande autorité que ses écrits ont toujours eue, les véritables règles du beau et du parfait dans les édifices ». Le grand mot est lâché : autorité. Cette perspective essentiellement normative implique un certain nombre d’obligations, dont Perrault est pleinement conscient.
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