Tour à tour cosmogonie, théogonie, épopée, manuel d'histoire et recueil de chansons, embrassant d'un même mouvement la naissance des dieux et des cultes qui leur sont dus, de la Terre et des noms qui y fourmillèrent, des hommes et des vers qui leur vinrent à la bouche, le Kojiki est un livre total, qui tient autant de la Genèse que des Vies Parallèles, de L'Odyssée que d'Alice au Pays des Merveilles. Du Chaos originaire, en ligne droite et sans solution de continuité, le Kojiki contient tout depuis l'origine du Monde y compris le récit des circonstances de sa propre rédaction. Cette collection bigarrée d'histoires, de contes et de légendes éparpillées dans le Japon ancien sera rendue accessible en 712 par l'empereur Temmu qui, soucieux de les préserver de la corruption, en commanda la compilation orale. Pierre Vinclair, en en réinventant les rythmes, nous propose de cette oeuvre fondatrice une reprise qui, enrichie des interprétations calligraphiques de Yukako Matsui, lui rend son impossible actualité.
Extrait
Extrait de la préface
L'humble Yasumaro rapporte :
Oui le chaos se condensait
mais ni la force ni la forme n'étaient manifestes
et rien n'ayant encore été créé ne possédait de nom -
qui dès lors peut en connaître la figure ?
Peu importe.
Ciel et Terre se séparèrent et les Trois Supérieurs
commencèrent par la création
des essences Passive et Active ;
les Deux Esprits devinrent ancêtres de toutes choses.
Lui pénétra dans l'ombre et ressortit à la lumière,
il révéla soleil et lune en se lavant les yeux,
il plongea et nagea, se baigna dans la mer.
Naquirent de ses ablutions les Supérieurs Célestes et Terrestres.
Ainsi, malgré la pénombre et malgré la distance qui nous sépare du grand commencement de tout, parvenons-nous à concevoir, en prêtant foi à l'enseignement authentique des premiers sages, le temps de l'origine de la Terre et la naissance de ses îles, l'ère de la genèse des Supérieurs et de l'établissement des hommes.
Nous le savons donc désormais, un miroir fut pendu,
les bijoux furent crachés et puis cent rois se succédèrent ;
un couperet fut mordu et un serpent coupé
en tranches telles qu'en jaillirent comme des pétales de fleurs
écloses, des myriades de Supérieurs ;
c'est en délibérant dans Rivière-Tranquille qu'on pacifia l'Empire
et en discutant sur Petit-Rivage que le pays fut purifié.
Revue de presse
Le récit de création qu'est le Kojiki est bien une « poésie première », à plusieurs titres mais surtout au sens où elle est porteuse d'une origine sacrée, d'un sens du sacré originaire dont toute la poésie (japonaise, mais en vérité universelle) procède et au retour de quoi elle aspire secrètement, quand bien même le vernis de la civilisation semblera parfois la détourner de ce frai dans la frayeur qui lui est constitutif. Comme le saumon remonte frayer dans le ruisseau, il est bon et nécessaire qu'un poète contemporain, par l'intermédiaire d'une telle traduction, ou reprise, fasse revenir la poésie d'aujourd'hui à ses sources sauvages et sacrées. C'est rien de moins qu'à un tel renouvellement que Pierre Vinclair s'est attelé en traduisant le Kojiki. --Laurent Albarracin sur le site de Pierre Campion
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