By Anarkia333 |
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L'Épopée d'Erra/Irra (ou Erra et Ishum) est un récit mythologique mésopotamien. Il date de la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. (ixe ou viiie siècles). Il a été rédigé par un prêtre de l'Esagil, le temple de Marduk à Babylone, du nom de Kabti-ilâni-Marduk, qui aurait reçu le récit au cours d'un rêve. Il se compose de cinq tablettes.

Le personnage principal est Erra, divinité de la guerre destructrice, assimilée à Nergal, dieu des Enfers. Le récit commence par le réveil d'Erra après un long sommeil par son vizir Ishum. Le dieu est alors pressé par ses « lieutenants », qui sont des démons maléfiques, et qui veulent tourmenter l'espèce humaine. Mais pour accomplir cela, Erra doit éloigner Marduk, le roi des dieux. Profitant du départ de Marduk hors des murs de sa cité pour un voyage chez son père Ea, dans son palais des Abîmes, Erra peut agir, et il décide de semer le désordre en poussant les habitants de Babylone à la révolte. La ville est alors mise à feu et à sang, avant qu'Erra n'aille chez le roi de la cité, pour le pousser à massacrer ses sujets.

Revenant dans ce tumulte, Marduk se lamente devant sa ville et ses sujets devenus fous furieux, et se retire. La fureur d'Erra est apaisée par son vizir Ishum, qui parvient à le faire revenir à la raison. Tout revient alors dans l'ordre, et Marduk retrouve sa ville, et reprend sa place de roi des dieux.

Ce texte a servi à expliquer pourquoi la ville sacrée de Babylone, pourtant siège de la royauté du plus grand des dieux, a été accablée par autant de malheurs au début du Ier millénaire, en particulier les attaques des tribus Araméennes installées en Babylonie, et donc abandonnée des dieux. Le retour du dieu signifie le retour à la vie normale, au calme et à la prospérité.

(Source: Wikipédia ; sous Licence CC BY-SA 3.0)

Texte Français

Épopée d'Erra

 

Tablette 1

1. Prologue : introduction des acteurs.

1 Gloire à Marduk, le Roi de l'Univers, le Créateur du Monde!
Et louange à Hendur-sagga, le premier fils d'Enlil,
Porteur de la noble houlette, Pasteur des Têtes-noires, Berger
des hommes,
Ishum, fameux Égorgeur, dont les mains sont si bien faites pour
brandir ses armes déchaînées

5 Que s'il fait flamboyer son épée terrifique, même Erra, le
Champion des dieux, tremble sur place!
Ce même Erra, lorsque son cœur le pousse à guerroyer,
Donne-ordre à ses Armes: « Oignez-vous de venin meurtrier! »;
Aux Sept, Champions incomparables : « Équipez-vous de vos
armes! »;
Et à toi-même, Ishum, il dit : « Je veux partir en campagne :

10 Sois Torche, afin qu'on y voie clair!
Sois Capitaine, pour que les dieux te suivent !
Sois Glaive, pour que l'Égorgeur accomplisse un carnage! »
Debout, Erra! Quant tu saccageras la terre,
Que ton âme sera rayonnante et réjoui ton cœur!

15 Mais Erra a ses bras fourbus, comme ceux d'un exténué :
II se demande : « Me léverai-je? Ou bien resterai-je allongé? »
Et il donne-ordre à ses Armes : « Demeurez au rancart! »;
Et aux Sept, Champions incomparables : « Rentrez chez
vous! »
Tant que, toi-même, tu ne le tireras pas du lit, allongé en sa
chambre,

20 II restera à faire l'amour avec son épouse Mami,
En-gi-dudu, Seigneur-qui-fait-sa-ronde nocturne, gardant
l'œil sur ce Prince,
Lui qui surveille avec faveur hommes et femmes, et les fait
rayonner de plaisir, comme le jour! 
Des Sept, Champions incomparables, tout-autre est le caractère-
divin;
Leur nature est différente : ils sont pleins de terreurs!

25 Qui les voit est épouvanté : leur haleine est mortelle!
Les hommes ont trop peur d'eux pour les approcher!
— O Ishum, barricade la porte devant eux ! —
Car lorsqu'Anu, Roi des dieux, eût fécondé la Terre,
Elle lui mit-au-monde sept dieux, qu'il appela Les Sept.

30 Quand ils se présentèrent à lui pour qu'il arrêtât leur destin,
Appelant le premier, il lui donna cet ordre :
« Où que tu ailles faire rage, sois sans rival! »;
II dit au second : « Brûle comme le Feu, flambe comme la
flamme! »;
Au troisième il commanda : « Prends les traits d'un lion, et qui
te voit défaille! »;

35 II dit au quatrième : « Au brandir de tes armes déchaînées, que
croule la Montagne! »;
Au cinquième il dit : « Souffle comme le vent, surveille
l'horizon! »;
Au sixième, il commanda : « Déambule de haut en bas, sans
épargner personne! »,
Et le septième, il le chargea de venin de Dragon : « Abats
toute vie! » lui dit-il
Une fois qu'Anu eût arrêté leur destin à tous sept,

40 II en fit don à Erra, Champion des dieux : « Afin, dit-il, qu'ils
t'escortent :
Si, la rumeur des habitants du monde te devenant pénible,
Tu te sentais-porté à faire une hécatombe,
A massacrer les têtes-noires et abattre les animaux,
Ils seront ton armée déchaînée, et ils t'escorteront! ». 

2. Erra est poussé par les Sept à entreprendre la guerre.

45 Eux donc, se déchaînant et agitant leurs armes,
S'adressent à Erra : « Lève-toi! Tiens-toi debout!
Pourquoi demeures-tu en ville, tel un vieillard chétif ?
Ou, comme un bébé impuissant, reste-tu à la maison?
Pareils à des non-combattants, mangerons-nous le pain en
femmes?

50 Aurions-nous-peur? Tremblerions-nous, comme si nous ignorions la guerre?
Pour des hommes, partir en campagne, c'est la vraie fête!
Qui reste en ville, fût-il prince, ne saurait manger à-sa-faim!
Flétri par les on-dit de ses concitoyens, tenu pour peu de chose,
Pourra-t'il jamais tendre la main au combattant?

55 Quiconque reste en ville, si déployée soit sa force,
Comment l'emporterait-il en rien sur un guerrier?
Le meilleur pain de ville ne vaut pas la galette-sous-la-cendre,
La plus douce bière-allégée ne vaut pas l'eau des outres,
Le palais sur terrasse ne vaut pas l'abri de campagne !

60 Pars en guerre, ô Erra le Preux, va frapper de tes armes!
Fais tant de bruit qu'on en tremble partout !
Qu'en l'apprenant, les Igigi exaltent ta gloire!
Qu'en l'apprenant, les Anunnaki redoutent ton renom!
Qu'en l'apprenant, les dieux se courbent sous ton joug!

65 Qu'en l'apprenant, les souverains se prosternent à tes pieds!
Qu'en l'apprenant, les pays t'apportent leur tribut!
Qu'en l'apprenant, les diables se retirent d'eux-mêmes!
Qu'en l'apprenant, les puissants se mordent les lèvres, d'inquiétude !
Qu'en l'apprenant, les monts escarpés rabaissent leur sommet, de peur!

70 Qu'en l'apprenant, les mers houleuses détruisent leur produit,
dans leur trouble!
Que la fûtaie soit brisée, en la forêt puissante!
Que dans l'impénétrable cannaie soient arrachés les roseaux!
Que les hommes, terrorisés, modèrent leur rumeur!
Que les animaux, effrayés, retombent en poussière,

75 Et qu'à ce spectacle, les dieux, tes pères, glorifient ta vaillance!
Pourquoi, Erra le Preux, as-tu laissé le champ-de-bataille
pour demeurer en ville?
Du coup, même les bêtes, domestiquées et sauvages, nous
méprisent ! 
Nous devons-te-parler, Erra le Preux, notre discours te fût-il
pénible :
Avant que la Terre soit devenue trop forte pour nous,

80 Sans-doute prendras-tu-garde à nos paroles!
Fais donc une faveur aux Anunnaki épris de calme,
Eux qui, du fait de la rumeur humaine ne peuvent plus dormir!
Les animaux inondent la terre-arable, source-de-vie pour le
pays,
Et les paysans pleurent amèrement sur leurs récoltes? ;

85 Lions et loups abattent les troupeaux,
Et les bergers, jour et nuit, sans dormir, t'implorent pour
leur bétail!
Et nous, qui connaissions les passes des montagnes, nous en
avons oublié les chemins!
La toile des araignées s'est tissée sur notre attirail de campagne;

90 Notre bon arc s'est rebellé, devenu dur pour nos forces;
La pointe acérée de nos flèches s'est trop émoussée, 
Et, de ne plus égorger, notre glaive s'est couvert de rouille! »

3. Erra se décide à faire la guerre, malgré les objections d'Ishum.

Lorsqu'il les eût ouïs, Erra le Preux,
Les propos tenus par les Sept le délectèrent comme un onguent
surfin.
Ayant donc ouvert la bouche, il s'adressa à Ishum :

95 « Pourquoi, après avoir entendu tout cela, demeures-tu en
silence?
Ouvre-moi le chemin, que je parte en campagne!
Enrôle la troupe des Sept, Champions incomparables;
Fais marcher avec moi mon armée déchaînée,
Et toi, mon Capitaine, suis-moi! »

100 Mais Ishum lorsqu'il eût entendu cette apostrophe,
Fut-saisi de pitié, et dit à Erra le Preux :
« Seigneur Erra, pourquoi as-tu tramé du mal contre les dieux?
Saccager les pays, anéantir leurs populations :
Voilà le mal qu'irrévocablement tu as tramé! ».
Ayant ouvert la bouche, Erra prit-la-parole

105 Et s'adressa en ces termes à Ishum, son Capitaine :
« Tais-toi, Ishum! Ecoute mes paroles
Touchant les habitants du monde, pour qui tu as demandé
grâce,
O Capitaine divin, sage Ishum, aux avis excellents!
Au ciel, je suis l'Aurochs; sur terre, le Lion; 

110 Dans le pays, le Roi; parmi les dieux, le Déchaîné;
Entre les Igigi, le Vaillant; entre les Anunnaki, le Despote;
Parmi les troupeaux, le Boucher;
dans la montagne, le Casse-pierres ;
Dans la cannaie, le Feu; dans la forêt, la Cognée!
Au départ en campagne, je suis l'Étendard!

115 Je souffle comme le Vent, je gronde comme l'Orage!
Tel le Soleil, je scrute l'horizon entier!
Si je gagne la steppe je suis le Moufflon;
Si j'entre au pâturage, j'occupe la première place en l'étable !
Les dieux tous ensemble redoutent ma bellicosité!

120 Et pourtant les hommes, les têtes-noires, me méjprisent!
Eh bien! moi, puisqu'ils ne redoutent pas mon nom,
Puisque qu'en dépit des ordres de Marduk, ils n'en font
qu'à leur gré,
Je vais enflammer-la-colère-du-Prince Marduk, l'éloigner de sa
résidence, et je détruirai les hommes ! »

4. Erra discute avec Marduk et le décide à lui laisser les mains libres.

Erra le Preux se dirigea alors vers Suanna, la Capitale
du Roi des dieux.

125 Entré en l'Ésagil, Palais du Ciel et de la Terre, il se présenta à
lui.
Puis il ouvrit la bouche et s'adressa au Roi des dieux :
« Pourquoi ta Précieuse-Image, prérogative de ta souve-
raineté,
Remplie auparavant de splendeur comme les étoiles du
Ciel,
Se trouve-t'elle à présent privée de son éclat?
Pourquoi ta Couronne impériale,
Qui ressemblait à l'Êtemenanki illuminant l'Éhialanki,
A-t'elle sa surface encrassée? »
Le Roi des dieux, ayant ouvert la bouche, prit la parole

130 Et adressa ce discours à Erra, le Champion des dieux :
« Erra le Preux, touchant l'opération que tu as parlé de faire,
Sache que déjà autrefois, pour avoir quitté ma résidence à
la suite d'une colère,
J'ai provoqué le Déluge!
A peine avais-je quitté ma résidence, le Lien du Ciel et
de la Terre se défit :
Le Ciel en ayant été ébranlé, des étoiles du Ciel la position
changea,
Sans qu'elles pussent reprendre leur place;

135 L'lrkallu (-infernal) ayant bronché, le produit des sillons
s'amenuisa,
Rendant désormais difficile la subsistance;
Le Lien du Ciel et de la Terre s'étant défait, la Nappe-souterraine
diminua
Et le niveau des eaux descendit!
A mon retour, je vis comme il était malaisé de tout
raccommoder !
Le croît des êtres-vivants avait baissé, et je ne pus le restaurer
Sans me charger en personne, comme un paysan, de leur
réensemencement !
Je fis donc reconstruire mon Temple, pour m'y réinstaller.

140 Or, ma Précieuse-Image, maltraitée par le Déluge, avait son
aspect terni :
Pour faire rebriller mes traits et nettoyer ma tenue, je fis-
appel au Feu;
Lorsqu'il eut achevé son travail et fait resplendir ma Précieuse-
Image,
Et que, m'étant coiffé de ma Couronne impériale, je fus revenu
à ma place,
Mes traits étaient altiers, et mon regard formidable! 

145 Les hommes qui, échappés au Déluge, ont-été-témoins de cette
opération exécutée,
Te laisserai-je tirer tes armes pour en anéantir la descendance ?
Ces fameux Techniciens, après les avoir fait descendre en
l'Apsû,
Je n'en ai jamais ordonné la remontée.
Et quant à la réserve du Bois-précieux et de l'Ambre-jaune,
J'en ai changé-la-place, sans révéler à personne le
nouvel emplacement !
Alors, pour cette opération dont tu as parlé, Erra le Preux,

150 Où trouver ce Bois-précieux, chair des dieux, réservé au Roi
de l'Univers,
Noble essence, ramure sublime, appropriée à la Souveraineté,
Dont les racines, sous cent lieues d'eau, en la Mer immense,
Atteignent le tréfonds de l'Arallû (-infernal),
Et dont la frondaison, là-haut, rejoint le Ciel d'Anu?
154 Où le saphir? limpide, que j'ai mis de côté [...]?
161  Où les gemmes de choix, nées de la Mer immense, et réservées
 à ma Couronne?

155 Où Nin-ildu, chef-menuisier de ma Majesté-suprême,
Porteur de l'herminette étincelante, et qui a su [...],
Qu'il m'avait placée sous les pieds, après l'avoir rendue
brillante comme le jour?
Où le Fabricateur des dieux et des hommes, Guskin-banda,
aux mains saintes?
Où Nin-a-gal, porteur du marteau et de l'enclume,

160 Qui laminait comme de la peau le cuivre résistant
Et modelait le fourniment de ma Précieuse-Image?
162 Où les sept Apkallu de l'Apsû, Carpes saintes,
Qui, pareils à Êa, leur maître, ont été adornés d'une ingéniosité
extraordinaire,
Et qui m'avaient gardé le « corps » pur?
163 Lorsqu'il l'eût entendu, Erra le Preux, debout,
Ouvrit la bouche et s'adressa au Prince Marduk : 

165-167 : la réponse d'Erra, est presque entièrement perdue. Le peu
qu'il en subsiste laisse entendre qu'il se fait fort de procurer
le matériel nécessaire à la remise en état de la Statue. C'est
pourquoi Marduk fait une autre objection :
168 Marduk, lorsqu'il eût entendu cette réponse,
Ouvrit la bouche et s'adressa à Erra le Preux :

170 « Si je quitte ma résidence, le Lien  du Ciel et de la Terre
se défera,
Et les Eaux monteront dévaster la terre;
Le clair jour tournera en ténèbres;
La Tempête se lèvera, occultant les étoiles du Ciel ;
Le Vent mauvais soufflera, qui voilera le regard aux hommes
en vie;

175 Les diables monteront de l'Enfer et [...] s'emparera de [...]:
Et qui donc, désarmé, pourra tenir contre eux?
Les Anunnaki monteront de l'Enfer abattre les vivants :
Qui les repoussera avant que je m'équipe de mes armes? »
Erra, ayant entendu ce discours,

180 Ouvrit la bouche et s'adressa au Prince Marduk :
« Prince Marduk, en attendant que tu réintègres en personne
ce Temple,
Et que, le Feu ayant nettoyé ta tenue, tu reprennes ta place,
Jusqu'au bout je gouvernerai, tenant-ferme le Lien du Ciel
et de la Terre :
Je monterai au Ciel, donner-des-instructions aux Igigi;
Je descendrai en l'Apsû (-infernal) m'occuper des Anunnaki;

185 Je renverrai au Pays-sans-retour, les diables sauvages,
Levant contre eux mes armes déchaînées;
Du Vent-mauvais je paralyserai les ailes, comme à un volatile!
Et même, dans ce Temple, quand tu le réintégreras, Prince
Marduk,
A la gauche et à la droite de ta Porte,
Je ferai s'accroupir, comme des bœufs, Anu et Enlil! ».

190 Marduk, lorsqu'il l'eût entendu,
Le discours prononcé par Erra lui parut-délectable !

5. Marduk parti, Erra semble s'occuper d'abord, comme il
s'y était engagé, de porter remède au désordre de l'Univers
(II a?), puis au nettoyage de la Statue (II b).

 

Tablette 2

II A

1 Et quand il eût quitté sa résidence inaccessible,
II se dirigea vers la résidence des Anunnaki,
Pénétra dans son [...] et se présenta à eux

4-10 très mutilé, fait allusion, semble-t' il au désordre qui se produit
dans le monde « éclat du Soleil » qui « tombe » : 4;
« tempêtes », « ténèbres » : 6; « eaux qui montent  »: 8, etc.
En la partie perdue qui suivait, et dont on ne peut mesurer
l'importance — 20 ou 30 lignes? — Erra devait s'efforcer de
stopper ces désordres de la Nature, puisque, dans la suite du
Poème, elle semble fonctionner normalement. 

II B

1'ss paraissent consacrés d'abord à la Statue et à la Couronne de
Marduk cette dernière est mentionnée en 2'; et son « éclat numineux »
en 5'. Après quoi apparaît « Éa », dans son « Apsû » (6' et cf. 9').
Tout se passe comme si Erra était allé lui demander son aide pour la
remise en état de la Statue mention de « cette opération » en 9, en
essuyant un refus. A la fin, Erra, sur la bouche de qui était mis le
passage, semble invoquer, mensongèrement (p. 153, n. 35),
une mission que Marduk lui aurait donnée de tout ravager :

14' « II m'a mandaté pour saccager les pays et supprimer leurs
populations ».

15' Le roi Éa, ayant bien-réfléchi, prononça ces paroles :
« Maintenant que le Prince Marduk est parti,
Ces fameux Techniciens, il n'en a pas ordonné la remontée.
Leurs images, que j'avais fait ériger parmi les hommes,
Je les ai ...-ées à Erra :
Mais là où nul dieu ne peut se rendre, pourront-ils s'approcher
[...]?»
Or, à ces fameux Techniciens, il avait accordé un génie
étendu,
Et il les avait établis solidement ;

20' II leur avait accordé le savoir, et leur avait donné la main-heureuse :
Aussi auraient-ils fait briller cette Précieuse-Image bien mieux
qu'auparavant !
Mais Erra le Champion, jour et nuit, sans arrêt se tenait devant
lui, disant :
« La maisonnée? qui, après avoir été établie
Pour faire-briller la Précieuse-Image, pour le Gouver nement du Souverain,
A commandé : « Ne vous aventurez pas à cette opération »,
Je [lui...] couperai la gorge, et j'étendrai à d'autres cet égorgement! 

25' [ ] : qu'on se hate d'exécuter cette opération!

26'-45, dont ne subsistent que des fins de vers, ne sont pas du tout
clairs. Du moins y est-il toujours question de la « Précieuse Image »
(30' et 44'), et de son « éclat-numineux » (35'). Deux mots qui
surnagent en 45' semblent se rapporter à l'achèvement  de l'opération :
les « traits » (de Marduk, en sa Statue) seraient redevenus « altiers »,
comme dans 1 : 144.

46'-52', Marduk « le Roi des dieux » prend la parole. Il est question
de personnages qui doivent, ou veulent « monter au ciel » (47') et
d'un ordre qui leur a été donné : « Retournez à vos places! »
(48'). La suite est obscure; à la fin, seulement, Marduk paraît
reprocher à Erra une décision « irrévocable » (52') qu'il aurait
prise.

53'-55' Contiennent apparemment la réponse d'Erra au « Roi des
dieux » (55'). Elle est perdue, et devait se poursuivre dans la
partie qui séparait II b et II c, elle aussi impossible à estimer
(20 ou 30 lignes sont imaginables). Quoi qu'il en soit, dans ce
passage, Marduk devait expliquer pourquoi, en dépit des
efforts d'Erra pour « parachever l'opération » et apprêter la
Statue (peut-être parce que les choses n'avaient pas été menées
parfaitement, ou à sa guise), il refusait de réintégrer cette
Statue et de reprendre sa place : la suite des événements serait
impensable une fois Marduk de retour...

6. Erra se prépare à partir en guerre

II C

1'-6' Le dialogue Erra-Ishum a dû reprendre entre temps, 1'ss contient
une réponse d'« Ishum » (mentionné en tête). On voit seulement,
à la ligne 5', qu'il tente de « calmer » son souverain, qu'il
appelle « ma Montagne ». La suite va montrer qu'Erra s'est
mis en fureur, peut-être à cause de l'échec, en définitive, de
l' « opération » (cf. 9'), ou des reproches que lui en a faits Marduk.

7' Mais le fils éminent d'Enlil, qu'avait saisi une [ ] in-[ ],
Pénétra en l'É-meslam et y reprit sa place.
Réfléchissant sur cette opération,

10' Le cœur en rage, il ne soufflait mot.
Quand Ishum lui demanda ses ordres, il lui dit :
« Ouvre-moi le chemin, que je parte en campagne :
Le temps est révolu, l'heure est passée! »
Je le déclare : je ferai tomber l'éclat du Soleil; 

15' De la Lune, la nuit, je voilerai la face ;
Je donnerai cet ordre à Adad : « Retiens tes taurillons !
Écarte les nuages! Stoppe la neige et la pluie! »
A l'intention d'Éa, j'avancerai cette réflfexion de Marduk
en personne :
« Qui a grandi en temps d'abondance, on l'ensevelira en
temps de pénurie! 

20' Qui arriva par une route humide, repartira par un chemin
poudreux! »
Et quant au Roi des dieux, je lui commanderai : « Reste
chez toi! »
Les instructions que tu as données, on les accomplira, on
exécutera tes ordres;
Et si les têtes-noires crient vers toi, ne reçois pas leurs
prières !
Car je vais exterminer le pays et le réduire en tells,

25' Raser les villes et les transformer  en déserts,
Démolir les montagnes et en abattre la faune,
Bouleverser les mers et en anéantir le produit,
Dévaster cannaies et jonchaies, et les brûler comme le Feu!
Je vais abattre les hommes supprimer tout être-vivant [...],

30' Sans en garder un seul pour leur réensemencement [...],
Troupeaux et animaux-sauvages, je ne les laisserai point
subsister pour [...]
D'une cité à l'autre, je déclencherai l'hostilité.
Les fils ne prendront-plus-souci de la vie de leurs pères, les
pères de leurs fils;
Les mères trameront avec entrain du mal contre leurs
filles.

35' En la Résidence des dieux, là où n'accède nul méchant,
j'introduirai un [...]
Et j'installerai un roturier en la Demeure des Princes!
Je ferai pénétrer des animaux dans [...],
Et j'empêcherai d'entrer en la ville où ils auront été aperçus!
Je ferai dévaler les animaux de la montagne,

40' Et là où je les ferai déambuler, ils saccageront les rues!
Sans [...], je ferai parcourir les rues des villes aux animaux de
la steppe,
Donnant ainsi des présages funestes et faisant évacuer les
quartiers !
J'introduirai [...] un Porte-malheur dans la Demeure des dieux,
Et du Palais royal [...] je ferai une friche!

45' Je mettrai-fin à la rumeur des hommes, et leur enlèverai toute
allégresse! 

46' s sont abîmés et peu intelligibles. Le propos d'Erra semble
s'arrêter ici; mais il va reprendre presque immédiatement avec
le début de la tablette III :

Tablette 3

III A

1 [Erra...], sans prendre garde à personne :
[... résolu à poursuivre] l'affaire qu'il a décidée

3-5 presque entièrement perdus, devaient consigner la reprise des
menaces d'Erra.

6 Je ferai confisquer la maison [des...] et leur raccourcirai l'existence!
J'interromprai la vie des protecteurs des justes,
Et mettrai à l'honneur les méchants coupe-gorge!
J'empirerai le cœur des gens : les pères n'entendront plus leurs
fils,

10 Et les filles parleront haineusement à leurs mères!
Je pervertirai les discours des hommes : ils oublieront leurs
dieux,
Et blasphémeront grandement leurs déesses!
Je susciterai des brigands, qui couperont les chemins!
En pleine ville on s'arrachera les-uns-aux-autres les biens-
meubles !

15 Lions et loups abattront le bétail.
Je monterai les démones pour qu'elles interrompent
le croît,
Et frustrent les nourrices du gazouillis de leurs bébés et
poupons!
Je chasserai des campagnes le bruit du chant-des-travailleurs !
Pâtres et bergers perdront-le-souvenir-de-leur cahute.

20 J'écarterai tout vêtement du corps des gens 
Je ferai marcher nus les hommes par les rues 
de leur ville,
21 Et descendre aux Enfers les hommes sans linceul.
Les moutons propitiatoires pour leur vie feront défaut aux gens,
Et, même pour un prince, rares seront les agneaux divinatoires
pour Shamash.
Les malades, pour leur offrande-spontanée, chercheront en vain
de la viande-à-rôtir

25 Et sans que les experts les puissent soulager, ils traîneront
jusqu'à leur mort! 

26-33 sont inutilisables : sans doute Erra y poursuivait-il ses
calamiteuses tirades, comme on le voit à deux ou trois mots qui
surnagent en 26-28, avant qu'il ne reste plus qu'un ou deux
signes terminaux de chaque ligne. Ce qui suivait, nous l'ignorons,
d'autant que du fragment :

III B

les 21 lignes subsistantes ne nous offrent qu'un petit nombre
de signes, généralement incompréhensibles, en tête de chacune.
Toujours est-il qu'avec le morceau qui suit, un nouvel acte de
la pièce est commencé :

7. Les premières « campagnes » d'Erra.

III C


illisible en ses deux premiers vers, intelligible ensuite grâce
à des parallèles (IV : 33 s), qui permettent de restaurer avec
assez de vraisemblance quelques passages perdus, contient
d'abord un discours, vraisemblablement d'Ishum, lequel, comme
il le fera plus loin (FV : lss), rappelle à Erra ses premières prouesses :

3' Et même : au personnel exempté, sous la protection sacrée de...,
Tu as fait tirer les armes :
Tu as livré leur sang comme de l'eau aux égouts de la ville ;

5' Tu leur as ouvert les veines pour en faire emporter le 
contenu au fleuve.
Enlil, à ce spectacle, a dit : « Malheur! », et son cœur s'est
serré ;
II a quitté sa résidence, sans y vouloir rentrer;
Un anathème implacable s'est porté sur sa bouche :
II a juré de ne jamais plus boire de l'eau du fleuve!

10' Et, par dégoût de leur sang-versé, de ne jamais réintégrer
l'Ékur ».

8. Erra veut continuer ses ravages.

11'-20' contenait la réponse, à peu près illisible, d'Erra. 21'-23' annonce
une nouvelle adresse que, « dans sa colère » (23'), il va faire à
Ishum :

24' « Ouvre-moi le chemin, que je parte en campagne !

25' Enrôle la troupe des Sept, Champions incomparables ;
Fais marcher avec moi mon armée déchaînée,
Et toi, mon Capitaine, suis-moi! »
Ishum, lorsqu'il eût entendu cette apostrophe
Pris de pitié, se dit en soi-même : 

30' « Malheur à mes gens, contre qui Erra s'est irrité, et qu'il va
supprimer,
Et que Nergal le Preux veut anéantir, comme au jour du
combat contre l'Asakku-démoniaque [...]
Sans que chôment ses bras, comme lors de regorgement du
« dieu perdu! »,
Son filet déployé, comme lorsque fût pris le méchant
Anzû ! ».

35' Ishum, ayant alors overt la bouche, prit la parole
Et adressa ce discours à Erra, le Preux :
« Pourquoi as-tu tramé du mal contre les dieux et les hommes?
Et pourquoi as-tu tramé, irrévocablement, du mal contre
les gens, les têtes-noires? »
Erra, ayant ouvert la bouche, prit la parole
Et adressa ce discours à Ishum, son Capitaine :

40' « Toi qui connais le dessein des Igigi, la volonté des Anunnaki,
Qui en transmets les ordres aux gens, aux têtes-noires, leur
ouvrant de la sorte l'intelligence,
Pourquoi t'exprimes-tu toi-même comme un ignorant,
Et me conseilles-tu comme si tu ne connaissais pas le propos de
Marduk?

45' Puisque le Roi des dieux a délaissé son siège,
Que peut-il rester de solide dans le Monde?
Puisqu'il a déposé sa Couronne impériale,
Les sujets des rois et des princes oublient forcément leurs
devoirs !
Puisqu'il a dégrafé son ardillon,
La ceinture des dieux et des hommes s'est relâchée, difficile
à receindre!

50' Le Feu déchaîné a fait briller comme le jour sa Précieuse-Image,
et en a relevé l'éclat-numineux :
Sa dextre pouvait donc reprendre la mittu, sa Grand-Arme,
Et le regard du Prince Marduk, se retrouver formidable!
Ce que tu m'as dit [...]
O Capitaine divin, sage Ishum, aux conseils excellents,

55' Pourquoi [...-tu] , cet ordre, à présent?
Le propos de Marduk ne te délecterait-il pas? ».

57'-72' la réponse d'Ishum, trop émiettée, n'est guère utilisable. On
devine la plaidoirie, derechef : il rappelle la « prospérité des hommes »
(59'), évoque le « bétail » (60'), « cannaies et jonchaies » (61'),
et semble se référer à une première déclaration d'Erra (62').
Mais, ajoute-t-il, ayant déjà commencé ses massacres (63's : obscur),
ce dernier va certainement continuer : « emporter le bétail » (65'),
« frapper de ses armes » (66'), « épouvantant » ainsi « l'univers » (67's)...
La lacune entre III c et III d, qui contenait peut-être une réponse d'Erra,
pouvait n'être pas très longue : aux alentours d'une vingtaine
de lignes. Lorsque le fragment suivant commence, Ishum
prend la parole, pour rappeler : 

9. Les autres campagnes d'Erra.

III D

1' illisible
2' Ishum, ayant ouvert la bouche, parla ainsi à Erra le Preux :
« Erra le Preux, tu tiens les rênes du Ciel,
Tu contrôles la Terre , entière, tu es le Maître du Monde,

5' Tu bouleverses la Mer, tu maîtrises les Montagnes,
Tu gouvernes les Hommes, tu es le Pasteur des Animaux :
Le céleste-Esharra est à ta discrétion, l'E-engur(-infernal) à
ton pouvoir!
Tu disposes de Shuanna, tu commandes en l'Ésagil !
Tu centralises tous les pouvoirs-divins, et les dieux te redoutent :

10' Les Igigi ont peur de toi, les Anunnaki tremblent devant toi!
Donnes-tu quelque directive : Anu en personne t'écoute,
Enlil lui-même t'obéit!
Y a-t'il de l'Hostilité sans toi,
Ou de la Guerre sans ton gré ?
Les armures de combat, c'est ton affaire exclusive !

15' Et tu ressasses en ton cœur : « On me méprise »?

Tablette 4

Même du Prince Marduk, Erra le Preux, tu n'as point respecté
la gloire!
Tu as dénoué le lien de Dim-kurkurra, cité du Roi des dieux,
Nœud de la Terre.
Après avoir modifié tes apparences divines et t'être assimilé
à un homme,
Équipé de tes armes, tu t'y es introduit. 

5 Une fois dans Babylone, comme un qui veut se rendre-maître
d'une ville, tu as parlé en agitateur,
Et les Babyloniens, sans plus de chef que les roseaux de la
cannaie, de se rameuter autour de toi.
Qui n'avait-nulle-pratique des armes-d'estoc, tirait son glaive;
Qui n'avait-nulle-pratique des armes-de-jet, emplissait son
carquois;
Qui n'avait-nulle-pratique de la la lutte, se livrait au combat;

10 Qui n'avait-nulle-pratique de la course, s'élançai comme un
oiseau.
Les débiles cherchaient-à-surpasser les vigoureux,
Les boiteux à l'emporter sur les véloces.
Contre leur Gouverneur, Pourvoyeur de leurs sanctuaires,
ils se-sont-mis-à-débiter de grandes insolences.
Ils ont condamné de leurs mains les portes de Babylone et
les voies-d'eau de leur prospérité.
Tels des pillards étrangers, ils ont incendié les édifices-sacrés
de Babylone!

15 Or, c'était toi leur Meneur, toi qui avais pris leur tête!
L'Imgur-Enlil, contre qui tu appuyais ton dard, criait
pitié.
Tu as plongé dans le sang des hommes et des femmes
La niche du dieu Muhrâ, sentinelle de ses portes!
Et ces Babyloniens — eux les oiseaux, et toi le leurre —
Après les avoir attrappés au filet, Erra le Preux, tu les a saisis
et détruits. 

20 Car délaissant la ville, et sorti-hors,
Tu as revêtu l'apparence d'un lion et tu es entré au Palais :
Dès qu'elles t'ont aperçu, les troupes ont pris les armes,
Et le cœur du Gouverneur, revanchard contre Babylone, s'est
déchaîné.
Il a expédié ses soldats, comme pour spolier un ennemi,

25 Poussant au pire le capitaine de l'armée et lui disant :
« Cette ville à laquelle je t'envoie, homme,
N'y respecte nul dieu, n'y redoute personne :
Mets-y-à-mort petits comme grands,
Sans épargner un seul bébé, encore à-la-mamelle!

30 Après quoi, pille tous les trésors accumulés de Babylone !»
L'armée du roi, rassemblée, s'est donc introduite en la ville,
L'arc enflammé, le glaive dégainé.
Même au personnel exempté, sous la protection sacrée d'Anu
et Dagan, tu as fait tirer les armes;
Tu as livré leur sang, comme de l'eau, aux égouts de la ville,

35 Tu leur as ouvert les veines pour en faire emporter le contenu
au fleuve!
A ce spectacle, Marduk, le Grand Seigneur a dit : « Malheur! »,
et son cœur s'est serré;
Un anathème implacable s'est porté sur sa bouche :
II a juré de ne jamais plus boire de l'eau du fleuve
Et, par dégoût de leur sang-versé, de ne jamais réintégrer
l'Ésagil!

40 « Malheur! disait-il, Babylone dont j'avais exalté la ramure
comme à un palmier,
Et que le vent a desséchée!
Malheur! Babylone que j'avais bourrée de graines, comme une
pigne,
Sans profiter de ses fruits !
Malheur! Babylone que j'avais plantée comme un jardin d'abondance,
Sans jouir de son rapport!
Malheur! Babylone que j'avais disposée au cou d'Anu,
Comme un sceau d'ambre-jaune!
Malheur! Babylone que j'avais prise en mains, sans la laisser
Comme la Tablette-aux-destins ! »

45 Ainsi parija encore le Prince Marduk :
[...]... depuis toujours. ..[...].
Qui voudra quitter l'embarcadère du quai,
Le tirant d'eau n'étant que de deux coudées,
Il-lui-faudra-traverser à pied !
L'eau ayant baissé, dans les puits, à une corde de profondeur,
Pas un seul homme ne survivra !
Au large, en haute mer, des paquets d'eau de cent mille de haut
Renverseront Ies barques des pêcheurs, en dépit des godilles ! 

50 Et Sippar, ville antique, sur le territoire de qui le Seigneur
de la terre n'avait pas fait venir le Déluge,
Contre-le-gré de Shamash, tu en as détruit le rempart et démoli
le soubassement!
A Uruk, siège d'Anu et d'Ishtar, ville des Prostituées, Courtisanes
et Filles-de-joie,
Qu'Ishtar a déprivées d'époux, afin de se les garder-à-merci,
Sutéens et Sutéennes, vociférant,

55 Ont mis-sens-dessus-dessous l'Éanna;
Et les Cinèdes et Travestis,
Desquels Ishtar a féminisé les caractères-virils
Pour inspirer la crainte aux hommes,
Ces porteurs de poignards, ces porteurs de couteaux, de
stylets, de lames-de-silex
Qui pour complaire à Ishtar se livrent à des pratiques-sacrilèges,
Tu as mis à la tête de la ville un Gouverneur sévère et
entêté,

60 Qui a bouleversé leurs habitudes et supprimé leurs rites :
Tant et si bien qu'Ishtar, dépitée, s'est fâchée contre Uruk
Et lui a suscité un ennemi, qui emporta le pays, comme l'eau
emporte le grain!
Les habitants de PARsâ n'arrêtaient pas leurs plaintes
Devant leur É-ugal démoli :
L'ennemi que tu leur avais suscité refusant de stopper ses
ravages.

65 Ishtaran t'a adressé ces paroles :
« Tu as réduit en désert la ville de Dêr,
Brisé comme roseaux ses habitants,
Dissipé leur rumeur comme de l'écume sur l'eau,
Et moi, Tu m'as abandonné et livré aux Sutéens!

70 Moi donc, pour-ce-qui-est-de ma ville de Dêr
Je n'y prononcerai plus de juste sentence,
Et n'y trancherai plus les décisions intéressant le pays !
Je n'y donnerai plus d'ordres, pour leur dilater l'intelligence! »
Tout-le-monde, délaissant la fidélité, a pris-le-parti-de la révolte :
Abandonnant l'équité, ils ont tramé du mal!

75 J'ai dû faire lever sur ce seul pays les Sept Vents :
Qui n'était pas mort au combat, mourait d'épidémie;
Qui n'était pas mort d'épidémie, un ennemi l'enlevait-en-butin;
Qui l'ennemi n'avait pas enlevé-en-butin, un voleur l'assommait;
Qui un voleur n'avait pas assommé, l'arme-du-roi l'atteignait; 

80 Qui l'arme-du-roi n'avait pas atteint, un prince l'abattait;
Qui un prince n'avait pas abattu, un orage le submergeait;
Qui un orage n'avait pas submergé, Shamash l'emportait!
Qui gagnait la rase-campagne, le vent le balayait;
Qui se réfugiait en son foyer, un démon-râbisu le frappait.

85 Qui escaladait une hauteur, y mourait de soif;
Qui dévalait en un bas-fond, y périssait noyé :
Ainsi annulais-tu hauteur et bas-fond l'un-par-l'autre !
Le responsable de la ville déclarait à sa mère :
« Ah! si j'avais été retenu en ton sein, le jour où tu m'as mis
au monde!

90-91 Si notre vie s'était alors terminée! Si nous étions morts
ensemble!
92 Au lieu de quoi tu m'as donné à une ville dont le rempart a été
démoli,
Dont les habitants sont du bétail et leur propre dieu, le boucher!
De son filet, les mailles sont si serrées que, sans pouvoir y échapper
Les époux sont morts à coups-d'épée !

95 « Quiconque, disais-tu, a engendré un fils et déclaré : « C'est
mon fils!
Quand je l'aurai élevé, celui-là, il me revaudra mes soins! » :
Ce fils, je le ferai mourir, pour que son père l'ensevelisse;
Après quoi, je ferai mourir le père, sans plus personne pour
l'ensevelir!
Quiconque a construit une maison et déclaré : « C'est mon
foyer!

100 Quand je l'aurai édifié, celui-là, je m'y reposerai,
Et le jour où mon destin m'aura emporté, j'y dormirai! »,
Cet homme, je le ferai mourir et déserter son foyer,
Que, tout-de-suite après, je donnerai à un autre! ».
Tu as fait mourir même le juste, Erra le Preux;

105 Tu as fait mourir même l'injuste;
Tu as fait mourir même qui t'avait offensé;
Tu as fait mourir même qui ne t'avait pas offensé;
Tu as fait mourir le pontife zélé à présenter)aux
dieux les offrandes ;
Tu as fait mourir le serviteur dévoué à la personne
du roi;

110 Tu as fait mourir le vieillard au seuil de sa maison ;
Tu as fait mourir les jeunes femmes, encore-enfants,
en leur chambrette!
Mais tu n'y as point trouvé le moindre apaisement,
Te ressassant : « On me méprise! »

10. Projets grandioses d'Erra en vue de plus terribles ravages.

Alors, tu t'es déclaré en ton cœur, Erra le Preux :

115 « Je veux frapper les puissants et terroriser les faibles; 
116 Égorger le Capitaine, et faire tourner-casaque à l'armée!

125 De chaque arbre je trancherai les racines, afin que ses rameaux ne poussent plus ;
126 De chaque mur je saperai la base, afin que le faîte chancelé!
117 De chaque sanctuaire, je détruirai la chapelle-haute, de chaque
rempart le parapet,
Et je supprimerai ainsi les atours de la ville!
J'arracherai les pieux-d'amarrage, afin que les bateaux partent au fil de l'eau;
Je briserai les timons, pour qu'ils n'accostent plus;

120 Je déracinerai les mâts, j'extirperai tout l'armement!
Je tarirai les mamelles, pour que nul nourrisson ne survive!
Je boucherai les sources, pour que les cours-d'eau, asséchés, n'amènent plus l'eau d'abondance!
J'ébranlerai l'Irkallu(-infernal), et les cieux vacilleront!
Je ferai tomber l'éclat des planètes, j'effacerai les étoiles célestes!

127 Je m'en irai jusqu'au siège du Roi des dieux, pour qu'il n'y ait plus de Gouvernement! »

11. Erra se calme et dirige ailleurs ses méfaits.

Lorsqu'Erra le Preux l'eût entendu, Les propos tenus par Ishum le délectèrent comme  onguent surfin.

130 Aussi Erra le Preux fit-il cette déclaration :
« Que Pays-de-la-Mer et Pays-de-la-Mer, Subartu et Subartu,
Assyriens et Assyriens,
Élamites et Élamites, Cassites et Cassites,
Sutéens et Sutéens, Qutêens et Qutéens,
Lullubéens et Lullubêens, pays et pays, villes et villes,

135 Maisons et maisons, hommes et hommes, frères et frères, sans s'épargner s'entrégorgent !
Et qu'après, Accad se relève, pour les abattre tous, et redevenir-leur-maître à tous ! »
Puis Erra le Preux adressa ces paroles à Ishum, son Capitaine :
« Va, Hum, réalise(tout ce que tu voudras de tes propos! »
Ishum se dirigea alors vers la montagne de Hîhi,

140 Les Sept, Champions incomparables, se pressant à sa suite. 
Lorsque Erra le Preux fut parvenu à la montagne de Hîhi,
D'une levée de main, il ravagea la montagne en question :
Cette même montagne de Hîhi, il l'arasa au sol!
Il brisa la futaie de la Forêt des Cèdres : 

145 Et cette Forêt fut comme une jonchaie où passa l'Incendie!
Il démolit les agglomérations et en fit des déserts,
Dévasta les montagnes et en abattit la faune,
Bouleversa les mers et en détruisit le produit,
Saccagea cannaies et jonchaies et les brûla comme le Feu,

150 II anathématisa le bétail et le fit retomber en poussière !

12. Erra s'explique, rend hommage à Ishum et laisse entrevoir
le retour d'Accad à la prospérité.

Tablette 5

1 Une fois qu'Erra, apaisé, eût réoccupé son siège
Alors que les dieux au complet tournaient-les-yeux vers lui,
Et que tous les Igigi et les Anunnaki se tenaient
respectueusement devant lui,
II ouvrit la bouche et s'adressa à tous les dieux :

5 Prêtez-moi attention, vous tous, notez-bien mes paroles!
Certes, moi-même, j'ai tramé du mal, à cause d'une faute antérieure :
Pour m'être irrité en mon cœur, j'ai abattu des populations!
Tel un berger-mercenaire, j'ai écarté du troupeau le bélier-de-
tête;
Tel un qui n'a point planté le verger, j'y ai taillé sans-scrupule;

10 Tel un pillard étranger, j'ai abattu indistinctement bons et
méchants!
Mais on n'arrache pas la proie à la gueule d'un lion rugissant,
Et si quelqu'un est enragé, nul autre ne le peut modérer!
Sans Ishum, mon Capitaine, que subsisterait-il?
Où serait votre Pourvoyeur? Où vos officiants?

15 Où vos offrandes-alimentaires? Vous ne respireriez plus
d'encens! »
Ishum, ayant alors ouvert la bouche, dit :
« Erra le Preux, prête-moi attention et entends mes paroles!
Certes tu peux-t'apaiser désormais : nous voici à tes ordres!
Au jour de ta fureur, qui donc te tiendrait-tête? ».

20 Erra, l'ayant ouï, sa face s'éclaira,
Ses traits se dilatèrent-de-joie, comme le jour qui brille,
Et retourné en l'É-meslam, il y reprit sa place.
Alors, Ishum, à haute voix, lui parla sans ambages,
Lui proposant, au sujet des dispersés d'Accad, la décision que
voici : 

25 « Que les populations de ce pays, décimées, redeviennent
nombreuses !
Que petit comme grand, chacun aille librement son chemin!
Et que, tout affaibli qu'il est, Accad terrasse les puissants
Sutéens,
Un seul en emmenant sept, comme menu-bétail!
Tu feras des agglomérations de ceux-ci une ruine, de leur
campagne un désert!

30 Et le lourd butin pris-sur-eux, tu le feras transférer à Suanna!
Les dieux de ce dernier pays, tu les ramèneras sains-et-saufs
à leur siège!
Dans ce même pays, tu feras redescendre Shakan et Nisaba !
Pour lui tu tireras des montagnes leur abondance, de la mer
son produit;
Et à ses champs dévastés, tu feras derechef porter leur fruit!

35 Que tous les gouverneurs de toutes les cités,
Traînent leur lourd tribut au beau-milieu de Shuanna!
Que s'élève à nouveau, comme le Soleil embrasé,
Le pinacle de ses sanctuaires détruits!
Que le Tigre et l'Euphrate y ramènent leurs eaux d'abondance !
Fais régner le Pourvoyeur en personne de l'Ésagil et de Babylone 
Sur tous les gouverneurs de toutes les cités! ».

13. Doxologie finale. L'œuvre, son origine et sa valeur.

Pour des années sans nombre,Gloire au Grand Seigneur Nergal et à Ishum le Preux,

40 Puisqu'Erra, s'étant mis en fureur
Et ayant menacé de raser le pays et d'en supprimer les
populations,
Ishum, son conseiller, l'a si bien apaisé qu'il en a épargné un
reste!
Le compositeur de cette œuvre, c'est Kabti-ilî-Marduk, fils
de Dâbibu :
Ishum la lui a révélée une nuit, et comme il l'a récitée au
matin, il n'en a rien omis
Ni ajouté une seule ligne!

45 Lorsqu'-Erra l'eût écoutée, elle le délecta,
Et le récit d'Ishum, son Capitaine, lui fut agréable;
Et les dieux réunis l'estimèrent autant que lui!
Aussi Erra le Preux fit-il cette déclaration :
« Tout dieu qui prisera ce Chant, que la prospérité s'amasse
en son sanctuaire !

50 Celui, par contre, qui le rejetterait, qu'il ne hume plus de fumigations !
Tout roi qui, en le récitant, exaltera ma gloire, qu'il régente
l'univers !
Tout prince qui déclamera ce los de ma vaillance, qu'il n'ait
plus d'adversaire !
Tout aède qui le chantera, ne mourra point de male-mort
Et ses propos plairont à son roi et son prince !

55 Tout scribe qui le maîtrisera, échappera à l'exil et deviendra
notable en son pays!
Les lettrés qui, en leur académie, prononceront ainsi fidèlement
mon nom, je leur dilaterai l'intelligence,
Et toute maison où cette tablette aura été déposée, Erra se
mettrait-il de nouveau en fureur et les Sept referaient-ils
un carnage,
Le glaive de la male-mort ne s'en approchera pas : toute
sécurité lui sera garantie!
Que ce Chant subsiste à jamais! Qu'il demeure éternellement!

60 Que tous les pays, à l'entendre, célèbrent ma vaillance!
Que tous les peuples du monde, après l'avoir constatée, exaltent
ma gloire! » 

 

(Source : Jean Bottéro, « Antiquités assyro-babyloniennes », Annuaires de l'École pratique des hautes études Année 1978, p. 107-164)

Sources - Textes Antiques

 


Livre


 

Lorsque les dieux faisaient l'homme: Mythologie mésopotamienne
*** *** 51 - Épopée d'Erra *** ***
680. G. Smith en 1875
Environ 700 vers et 5 Tablettes
250 vers actuellement
Dernière grande composition
681. Traduction de L.Cagni de 1969

681. Nergal/Erra
Souverain des trépassés
Page: Ishum, soutenue par le Groupe des “7”

*** Récit ***
681. Marduk: Créateur du monde, Roi de l’univers
Hendursagga: 1er fils d’Enlil
Ishum: Épée flamboyante terrifiante

682. Groupe des 7 Dieux terrifiants
Mis au monde par An
Ordre d’An au 7
7ème: Chargée de Venin de Dragon
683. Cadeau d’An des 7 à Erra
Groupe des 7: Utilisé pour massacrer les Têtes-noirs et Animaux

684. Incitation des 7 à partir en Guerre
Igigi et Anunnaki

685. Tumulte des Homme au Anunnaki
Erra veut partir en Guerre

686. Erra: Aurochs au Ciel, Lion sur Terre
Mépris des Têtes-noirs envers Erra
Erra rencontre marduk à l’Esagil à Babylone

687. Déluge provoqué par Marduk

688. 7 Apkallu/Carpes Saintes et leur chef Ea/Enki

689. Malheur si Marduk quitte sa résidence: Diable/Anunnaki remonteront de l’enfer abattre les vivants
Igigi au Ciel

690. Marduk quitte sa résidence et malheur général sur la Terre
Erra demande conseil a Ea dans son Apsu

692. Marduk veut tout détruire
697. Erra: Terrorise les autres Dieux (An/Enlil/Igigi/Anunnaki)

701. Arme des 7 vents

704. Erra se calme
***

708. Épouse de Erra: Mammi

708. Groupe des 7
Risque de surpopulation des Hommes

709. Peur d’Erra d’être inférieur

710. Présence de Marduk dans sa Statue 

711. Déluge attribué à Marduk ici et non Enlil

711. Les Apkallu/Techniciens célèbre d’Enki
Ont quitté la Terre et rejoint Enki en Apsu

712. Impossibilité technique de refaire la Statue de Marduk: Manque de moyens

717. Auteur: Kabti-ilâni-Marduk
723. Auteur: Expert, multiple sources...

718. Gloire à Ishum

720. Histoire de Babylone et Mythe mélangé
Épopée d’Erra: Explication des malheurs de Babylone
724. Remplacement d’Enlil par Marduk et Ea par Ishum

728. Épopée d’Erra: dernière grande oeuvre
Akkadien et disparition, Araméen
Ere des Commentateurs: H.Zimmern, Thureau-Dangin, Lambert, A.Livingstone 
*** ***

*** Commentaire sur Marduk ***
730-732
733. Marduk oppose la planète Vénus à Ea/Enki
733. Nabû: Fils de Marduk
Mort de An/Enlil 
Dieu Assur
***

 

Jean Bottéro, « Antiquités assyro-babyloniennes », Annuaires de l'École pratique des hautes études Année 1978, p. 107-164

 

Mythes et rites de babylone
221-287. Épopée d'Erra

 

Sources META - Textes Antiques

 


Livre



 

Le Testament de la Vierge
215. Poème d'Erra
218. An et les 7 Dieux crée: Similitude 7 Dieux/ Archonte gnostique
225. Nergal et Ereshkigal