By Anarkia333 |
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Épopée de Gilgamesh

L’Épopée de Gilgamesh est un récit épique de la Mésopotamie. Faisant partie des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité, la première version connue a été rédigée en akkadien dans la Babylonie du xviiie au xviie siècle av. J.-C. Écrite en caractères cunéiformes sur des tablettes d’argile, elle relate les aventures de Gilgamesh, roi d'Uruk, peut-être un personnage ayant une réalité historique, mais en tout cas une figure héroïque, et aussi une des divinités infernales de la Mésopotamie ancienne.

L’Épopée est un récit sur la condition humaine et ses limites, la vie, la mort, l'amitié, et plus largement un récit d'apprentissage sur l'éveil de son héros à la sagesse. La première partie du récit relate les exploits de Gilgamesh et de son compère Enkidu, qui triomphent du géant Humbaba et du Taureau céleste suscité contre eux par la déesse Ishtar dont le héros a rejeté les avances. Le récit bascule avec la mort d’Enkidu, punition infligée par les dieux pour l’affront qui leur a été fait. Gilgamesh se lance alors dans la quête de l’immortalité, parvenant jusqu’au bout du monde où réside l’immortel Uta-napishtim, qui lui apprend qu’il ne pourra jamais obtenir ce qu’il souhaite (devenir immortel) mais lui enseigne l’histoire du Déluge qu’il pourra transmettre au reste des mortels.

L’Épopée repose en partie sur plusieurs récits en sumérien composés vers la fin du IIIe millénaire, relatant plusieurs exploits de Gilgamesh. À partir de sa première mise en forme vers le xviiie – xviie siècle av. J.-C., le texte de l’Épopée connaît différents remaniements et circule sous plusieurs variantes durant le IIe millénaire av. J.‑C., avant qu'une version « standard », relativement stable, ne soit écrite vers 1200 av. J.-C. et ne se diffuse au Ier millénaire av. J.‑C. Elle serait due selon la tradition mésopotamienne à l’activité d’un scribe du nom de Sîn-leqi-unninni. Cette version, sur douze tablettes, est connue avant tout par les tablettes retrouvées à Ninive et datant du viie siècle av. J.-C., mises au jour à partir des années 1850 dans l'ensemble de textes savants désigné comme la « Bibliothèque d'Assurbanipal ». Depuis de nouvelles tablettes exhumées sur divers sites de Mésopotamie et du Moyen-Orient ont permis d'améliorer la compréhension de l’œuvre, bien qu'elle ne soit pas intégralement connue.

L'Épopée de Gilgamesh connaît un grand succès dans le Proche-Orient ancien, et des exemplaires sont retrouvés dans des sites répartis sur un grand espace, en Mésopotamie, Syrie, et en Anatolie. Elle a été traduite en hittite et en hourrite. Son influence se décèle également dans diverses œuvres postérieures, jusqu'au début de l'époque médiévale, la mémoire des exploits de Gilgamesh ayant été préservée jusqu'à ces époques, par des canaux qui nous échappent largement, mais qui sont une indication supplémentaire de la popularité de ce récit dans l'Antiquité.

La redécouverte de l’Épopée puis la publication de ses premiers extraits en 1872 par George Smith, correspondant au passage relatant le Déluge, firent sensation en raison des parallèles qu'ils offraient avec la Bible. Par la suite, la reconstitution de l’œuvre plus complète la fit apparaître comme l'une des plus anciennes œuvres épiques connues. Elle suscite depuis l'attention de divers romanciers, poètes, psychologues, compositeurs, etc. qui en ont livré des versions et interprétations modernisées ou s'en sont inspiré.

La version « standard »

La version dite « standard » est la forme définitive de l’Épopée de Gilgamesh, celle par laquelle elle a été redécouverte à l'époque contemporaine à Ninive dans des tablettes du viie siècle av. J.-C., qui fournissent la majeure partie du récit (on parle aussi de version « ninivite »), contenue sur douze tablettes, même s'il est considéré que la douzième tablette est un ajout postérieur à la rédaction de version standard (voir plus bas), qui comprendrait donc onze tablettes. Il s'agit d'un nouveau texte, comme le montre le fait qu'il dispose d'un nouvel incipit, « Celui qui a tout vu », ou bien « Celui qui a vu l'Abîme » (ša naqba imuru). La dénomination (moderne) de version « standard » ne doit certes pas être prise stricto sensu, puisque qu'il y a des divergences entre les œuvres, mais elles sont très légères et ne modifient pas le contenu de l’œuvre. Elle est également documentée sur d'autres sites assyriens de cette époque (Assur, Nimroud et Sultantepe) et sur des sites de Babylonie (Uruk d'époque séleucide et parthe, et d'autres fragments de provenance indéterminée, peut-être Sippar, ou bien Borsippa ou Babylone). Dans son édition de 2003, A. George recensait en tout 184 fragments de la version standard qui, une fois certains joints entre eux, constituent 116 pièces issues de 73 manuscrits, auxquels il convient d'ajouter un fragment contenant un passage de la cinquième tablette présentant des passages jusqu'alors inconnus, retrouvé dans le musée de Sulaymaniyah et édité en 2014. C'est donc de loin la version la mieux connue du texte, certes de façon incomplète, mais suffisamment pour qu'on puisse bien comprendre la plupart de ses épisodes et sa trame, et donc celle qui sert de base aux traductions et autres adaptations modernes de l’Épopée.

L'origine de cette version est difficile à identifier. Elle suit la trame de la version d'origine, mais comprend divers remaniements qui modifient sa tonalité, plus méditative, sapientiale (visible en particulier dans le nouveau prologue), et ajoute certains passages dans la trame narrative, dont sans doute celui du Déluge qui n'est pas attesté dans les fragments des versions anciennes et est transposé à partir du récit mythologique appelé Atrahasis. Les lettrés mésopotamiens du Ier millénaire av. J.‑C. attribuaient la rédaction de l’Épopée à un auteur précis, Sîn-leqi-uninni, un prêtre (exorciste) que l'on situe couramment à l'époque kassite (v. 1300-1200 av. J.-C.), mais il n'y a aucune attestation directe pour confirmer cela. Cette hypothèse repose notamment sur le fait que des prêtres lamentateurs vivant à Uruk à l'époque récente en faisaient leur ancêtre, et qu'ils avaient l'habitude de s'attribuer des aïeux prestigieux ayant vécu à l'époque kassite, période vue comme un grand âge intellectuel. L'attribution de cette version standard (et pas de la première version, paléo-babylonienne) à ce personnage est en tout cas acceptée par plusieurs assyriologues, qui voient la patte de cet auteur derrière la nouvelle tonalité de cette version (sans forcément rejeter la possibilité d'« éditions » postérieures). Du reste, le changement de ton de cette version par rapport aux précédentes, avec sa méditation sur la condition humaine et la sagesse, le rapproche des récits de littérature sapientiale qui datent des derniers siècles du IIe millénaire av. J.‑C., ce qui constitue un élément supplémentaire plaidant pour l'attribution du texte à un auteur de cette période36.

Selon les reconstitutions couramment proposées, la version standard ne comprend pas à l'origine la douzième tablette de la version ninivite, qui est sans doute un ajout d'époque assyrienne, un « supplément ». Il s'agit d'une traduction en akkadien de la seconde moitié du récit sumérien Gilgamesh, Enkidu et la Mort, dont le style et le langage diffèrent de ceux des autres tablettes, et qui ne présente pas de continuité évidente avec le reste du récit, qui se conclut à la fin de la onzième tablette. Le moment et la raison de cet ajout ne sont pas déterminés.

Résumé succinct de la version « standard » de l’Épopée

Le récit commence par présenter Gilgamesh, roi de la cité d'Uruk, personnage sans égal par sa force et sa prestance, mais qui se comporte de façon tyrannique envers ses sujets, qui s'en plaignent aux grands dieux. Ceux-ci suscitent alors contre Gilgamesh un rival ou potentiel allié qui serait à même de juguler ses excès, Enkidu, qui est créé dans les espaces désertiques où il vit au milieu des bêtes sauvages. Gilgamesh, informé de la venue de ce personnage qui semble être son égal par sa force, dépêche une courtisane qui l'initie à la civilisation en lui faisant découvrir la sexualité puis les manières de manger, de boire et de se comporter comme un humain, le détachant ainsi du monde animal. Enkidu se rend ensuite à Uruk, où, témoin des excès de Gilgamesh, il le défie. Le combat se solde par le respect mutuel des deux gaillards, qui se lient d'amitié. Gilgamesh entraîne alors Enkidu dans une aventure vers la Forêt des Cèdres, où ils vont défier le gardien des lieux, le géant Humbaba, qu'ils parviennent à terrasser. De retour à Uruk, Gilgamesh reçoit les avances de la déesse Ishtar, mais il les rejette violemment. Humiliée, celle-ci s'en plaint à son père, le dieu Anu, qui lui confie le Taureau céleste, qu'elle lâche dans la ville où il cause de grands dégâts, mais Gilgamesh et Enkidu parviennent à le tuer, et commettent un nouvel affront envers la déesse. Les grands dieux décident alors de les punir, et condamnent Enkidu à une mort douloureuse. Cela meurtrit profondément Gilgamesh, la perte de son précieux ami lui faisant prendre conscience de sa fragilité devant la mort. Il entame alors une longue errance dans les espaces désertiques, qui le conduit au bout du monde afin de rencontrer Uta-napishtim, survivant du Déluge, qui est immortel. Une fois parvenu au but, celui-ci raconte à Gilgamesh l'histoire du cataclysme, et lui fait comprendre qu'il ne pourra jamais atteindre l'immortalité. Le héros s'en retourne alors à Uruk, avec une plante de jouvence qu'il a trouvée sur les indications d'Uta-napishtim, mais il se la fait voler par un serpent lors d'une halte. Il revient donc bredouille dans son royaume, mais, comme l'indique le prologue de l’œuvre, fort de ses expériences il est devenu un homme sage dont le règne est commémoré par les générations futures.

(Source: Wikipédia ; sous Licence CC BY-SA 3.0)