Le romancier américain John Irving ouvre les portes de sa maison du Vermont et se livre sur son processus de création. Ce travailleur acharné, ancien lutteur de compétition, fait le parallèle entre la discipline que demande la pratique d'un sport et la rigueur qu'exige l'écriture. De la Spiegelgasse de Vienne au quartier rouge d'Amsterdam, de Boston au New Hampshire en passant par le Canada, découverte des lieux dans lesquels évoluent ses héros. Prostituées, sportifs et artistes prennent vie autour de thèmes récurrents chers à l'écrivain : la recherche des origines, le sport de haut niveau, l'art, la cuisine, le tatouage ou encore la musique.
L'art romanesque se nourrit d'une multitude de choses vues. Chez John Irving, le jeu des correspondances entre l'oeuvre, ses héros — d'irréductibles déjantés —, son désespoir tragi-comique et leur créateur a fait couler beaucoup d'encre. Depuis Le Monde selon Garp (1978) jusqu'au dernier opus paru en 2012, A moi seul bien des personnages, des références au passé familial de l'auteur émergent. Si les histoires de l'Américain convoquent des enfants sans père, d'anciens soldats, des travestis, des lutteurs ou de fortes femmes émancipées, ce portrait apporte un cinglant démenti aux tenants de la formule « Emma Bovary, c'est moi ! ».
Filmé lors de la promotion de son dernier ouvrage, en Europe, et dans sa belle demeure du Vermont, l'écrivain conteste utiliser de simples souvenirs pour créer. Traquant dans les lieux de ses récits les vrais inspirateurs de sa plume, le documentaire dévoile une méthodique fabrique de véracité. Le conteur aime à enquêter dans l'univers qu'il va explorer. Prostituées d'Amsterdam ou clients des salons de tatouage de Toronto : ses personnages émanent d'une astucieuse reconstruction. Entremêlant réel, fantasmes et vécu, le maître n'avoue in fine qu'un seul moteur d'écriture : la peur. Mais pour conjurer l'angoisse, John Irving exhume avec ironie sa phrase préférée du Monde selon Garp : « Nous sommes tous des incurables. »
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