Jacques-Yves Cousteau, né le 11 juin 1910 à Saint-André-de-Cubzac (Gironde) et mort le 25 juin 1997 à Paris, est un officier de la Marine nationale et explorateur océanographique français.
Surnommé « le commandant Cousteau », « JYC » ou encore « le Pacha », il est connu pour avoir perfectionné avec Émile Gagnan le principe du scaphandre autonome avec l'invention du détendeur portant leurs noms, pièce essentielle à la plongée sous-marine moderne.
Les films et documentaires télévisés de ses explorations sous-marines en tant que commandant de la Calypso ont rencontré une large audience.
- Jacques-Yves Cousteau "nazi et eugéniste" : stop aux calomnies et aux rumeurs - 2014 - OBS
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LE PLUS. Sur Le Plus, Yves Paccalet a récemment publié un billet alors qu'un biopic de Jacques-Yves Cousteau est annoncé, et pour lequel Romain Duris est pressenti. Yves Paccalet a passé plus de 15 ans avec le Commandant, et ses propos ont fait l'objet de commentaires accusant l'homme au bonnet rouge d'être un "collabo" ou un "eugéniste". Mise au point.
Je m’y attendais, voilà plus de quarante ans que cela dure. Quatre décennies et davantage que j’entends ou que je lis les mêmes rumeurs ou les mêmes calomnies au sujet de Jacques-Yves Cousteau ! Mon récent papier à propos du biopic consacré au commandant les ont réveillées…
Les dix-huit années que j’ai passées avec le Pacha de la Calypso, au travail et en mission, m’ont évidemment permis de jauger et de juger le bonhomme. Bien entendu, nul n’est parfait : les auteurs ou les propagateurs de calomnies moins que personne ! Mais on m’accordera que je n’aurais jamais cosigné de livres, ni œuvré aussi intensément et durant tant de temps, avec un "eugéniste", un "nazi" ou un "assassin d’enfants" !
Cousteau n'était pas un nazi, pas ce Cousteau-là...
La première calomnie que j’entends (ou plutôt que je réentends pour la ixième fois) consiste à affirmer que, durant la Seconde Guerre mondiale, Jacques-Yves Cousteau fut un collabo, un idéologue d’extrême droite, un compagnon d’infamie des nazis. Le problème est que cette description est exacte, sauf qu’elle correspond, non pas à Jacques-Yves Cousteau, mais à son frère aîné, Pierre-Antoine, qui fut en effet, avec Robert Brasillach, Lucien Rebatet, Drieu La Rochelle et d’autres, un idéologue fasciste majeur, et le rédacteur en chef du journal "Je suis partout".
À la fin de la guerre, Pierre-Antoine Cousteau fut condamné à mort pour faits de collaboration ; sa peine fut commuée en prison à vie, et il décéda rapidement de maladie. Bien différente fut l’attitude de Jacques-Yves Cousteau pendant l’occupation : celui qui n’était pas encore le "commandant" se vit décerner la médaille de la Résistance. Nul n’est responsable ad vitam aeternam des écrits, des actes ou des délires des autres membres de sa famille. Je conseille aux calomniateurs qui, de façon volontaire ou non, confondent les frères Cousteau, de ne pas non plus mélanger Caïn et Abel.
Le mensonge de l'eugénisme
Autre calomnie : comme écologiste, Jacques-Yves Cousteau aurait incarné une sorte de radical sans cœur et sans raison qui, pour "sauver la planète", aurait recommandé d’exterminer la moitié de la population humaine, à tout le moins d’adopter des solutions radicales pour contenir l’explosion démographique mondiale.
L’un de ceux qui ont repris et propagé ce mensonge n’est autre que Luc Ferry : dans son essai anti-écolo "Le Nouvel ordre écologique", publié en 1992. Le philosophe (ici, dans un mauvais rôle) tronque une citation journalistique (ou la reprend sans vérifier qu’elle a été coupée). Lors de cette interview, donnée dans une conférence de presse à laquelle j’ai assisté, Cousteau dit en effet que la Terre peut nourrir sans problème, et pour longtemps, 500 millions à 1 milliard d’humains, mais qu’au-delà, notre espèce puise dans le capital et s’expose aux pires ennuis. Pour résoudre la question de la population, ajoute le commandant, nous pouvons décider tout de suite d’éliminer quelques milliards d’individus…
Ce que ne précisent ni Luc Ferry, ni les autres propagateurs de la calomnie, est que cette assertion est lancée sur le ton de l’humour noir. La partie tronquée du raisonnement vient ensuite : pour nous en sortir, nous avons besoin de sagesse. Nous devons, certes, contrôler notre démographie, mais ni par la violence, ni par l’eugénisme : par l’amélioration du niveau de vie des plus pauvres, et surtout par l’éducation. J’ai moi-même beaucoup pratiqué l’humour noir, sur ces mêmes thèmes (et d’autres), dans "L’Humanité disparaîtra, bon débarras !" Par exemple en préconisant (dans le droit fil de Jonathan Swift) que nous dévorions nos bébés… Il y a ceux qui comprennent, et les autres – je veux dire : les esprits limités ou tordus.
Le piège hypocrite de l'humour noir
Voilà pour les deux calomnies majeures (le fascisme et l’eugénisme) dont on accable Cousteau depuis des décennies. On ne lui épargne pas davantage les rumeurs, aussi malveillantes qu’infondées. Parmi les plus tenaces : Cousteau était richissime. Eh non ! Je l’ai vu plus fréquemment au bord de la ruine (il hypothéquait ses biens pour faire naviguer la Calypso) que cousu d’or. Parmi les plus insidieuses – car sans le moindre début de commencement de preuve : le commandant était musulman. Non, il était tolérant, un point, c’est tout. Jamais il ne s’est converti à l’islam. Il était plutôt libre penseur. Sa deuxième femme l’a fait enterrer selon le rite catholique.
J’ai détaillé tous ces points (et d’autres encore) dans la biographie du personnage, que j’ai écrite juste après sa mort, en 1997 : "Jacques-Yves Cousteau, dans l’océan de la vie" (aux éditions JC Lattès). Les plus curieux peuvent se reporter à ce bouquin, s’il est encore en vente quelque part (je suppose, sur internet).
Je veux modestement conclure en observant que la mise au point que je viens de faire n’est ni la première, ni la dernière. Elle n’empêchera ni la répétition des calomnies, ni la perpétuation des rumeurs. Elle ne servira donc à rien, sauf (ce qui me paraît quand même essentiel) à rapprocher quelques-uns de mes lecteurs de la vérité d’un grand homme.