L'Épître apocryphe de Jacques est un des trois textes du codex I de Nag Hammadi qui sont présentés sans titre (les deux autres sont l'Évangile de vérité et le Traité tripartite). Dans un cas comme celui-là, où le véritable titre ne nous est pas parvenu, le titre "moderne" doit être choisi pour refléter les propriétés du texte. Ce texte se présente comme une lettre envoyée par un disciple appelé Jacques, probablement Jacques le juste, le frère du Seigneur, à un destinataire dont le nom est perdu. Cette lettre est un enseignement secret que Jésus aurait transmis à Jacques et à Pierre. La révélation contenue dans cet écrit communique la façon de parvenir au salut et d'accéder au Royaume des cieux.
L'Épître apocryphe de Jacques est le second écrit du codex I. Il est précédé de la Prière de l'Apôtre Paul et suivi de l'Évangile de vérité, du Traité sur la résurrection et du Traité tripartite. Il présente des lacunes, particulièrement en début de page. C'est notamment le cas des huit premières pages et des pages onze à seize. L'écrit est rédigé en subakhmîmique, un dialecte copte. Selon D. Rouleau, la traduction du grec en copte a pu être réalisée au début du IVe siècle, mais l'original aurait été rédigé en grec et aurait été écrit à Alexandrie, ou du moins, pourrait y avoir circulé.
Le texte débute sous la forme d'une lettre envoyée par Jacques à un destinataire dont le nom est disparu dans une lacune. Cette lettre aurait d'abord été écrite en hébreu (1,15-16). Le destinataire est prié par l'auteur de la lettre de garder le secret sur l'enseignement qu'elle contient (1,20-25). À partir de la page 2, commence le dialogue de révélation qui occupe le reste de l'épître. Les douze disciples se rassemblent après la crucifixion de Jésus, échangent et écrivent tout ce qu'ils se rappellent de ses enseignements. Le texte affirme que Jésus leur a enseigné pendant 550 jours puis, à la fin de cette période, il a appelé Jacques et Pierre pour leur livrer un enseignement secret. Jésus les encourage alors à être "emplis de l'Esprit" et insiste sur la nécessité de la souffrance (4,19) par laquelle on peut gagner l'amour du Père et être semblable au fils de l'Esprit (6,19-20). En réponse à Jacques, Jésus déclare que le temps des prophéties est terminé et que l'on doit posséder la connaissance pour trouver le Royaume des cieux (6,29-30; 8,23-27). Le thème de l'indépendance est également important dans cette révélation, car les disciples ne doivent pas simplement se reposer sur le Christ mais doivent eux-mêmes prendre l'initiative. Le Seigneur les invite à parler au lieu de se taire et à rester éveillés au lieu de dormir (9,18-10,6). Tout au long de la révélation, le Christ s'exprime en paraboles, utilisant des images courantes dans ce type de discours, dans certains évangiles canoniques et dans l'Évangile de Thomas. Le Christ termine son discours sur trois images très fortes. Pour lui, le Royaume des cieux est semblable à un épi de blé à partir duquel tout un champ de blé peut être produit, mais on doit faire attention à ce que ce champ ne devienne pas un désert (13,17-23). Pierre se plaint alors de l'ambiguïté des enseignements de Jésus, mais celui-ci le réprouve fortement (13,27-36). L'indépendance du vrai croyant est à nouveau mise de l'avant quand Jésus affirme que même le Père ne pourrait bannir du Royaume quelqu'un qui a reçu la Vie et la Foi (14,15-19). Après ces paroles, Jésus se retire (15,6). Jacques et Pierre rendent grâce (15,6-13). Leurs intellects continuent leur ascension et ils perçoivent des louanges angéliques (15,19), mais cette ascension est interrompue par l'arrivée des autres disciples (14,23-34). À la fin du texte, Jacques exprime l'espoir que ceux qu'il illuminera deviennent à leur tour aussi grands que lui (16,8-19).
Comme nous l'avons vu, l'Épître apocryphe de Jacques est une lettre qui rapporte une révélation, elle-même présentée sous la forme d'un dialogue. Dans son introduction et son commentaire, D. Rouleau analyse la structure de cette lettre, discute ses plus importants thèmes, envisage quand, pourquoi, et pour qui elle a été écrite, et met en lumière sa relation avec d'autres textes. Il ne remet pas en question l'unité de l'écrit, dont il propose un plan très complexe. Il n'y aperçoit rien du caractère valentinien qu'un grand nombre de chercheurs ont voulu y relever, sans qu'il lui dénie pour autant toute parenté avec le gnosticisme. Il met également en évidence l'opposition des rôles dévolus à Jacques et à Pierre; le premier répond à la communauté des vrais disciples, tandis que le second représente l'incompréhension de la Grande Église, rejetée par l'auteur, qui polémique cependant contre elle sans animosité. D. Rouleau voit dans cette polémique une opposition aux structures hiérarchiques et aux mécanismes institutionnels de médiation du salut. Il apparaît bien ici que l'Épître apocryphe de Jacques est avant tout polémique, comme plusieurs des textes de Nag Hammadi, et que c'est en fonction de sa visée polémique qu'elle doit être lue et comprise.
Le texte étudié dans la deuxième partie de l'ouvrage est l'Acte de Pierre, dernier des quatre écrits conservés dans un codex qui fait partie de la collection du Musée de Berlin, le Berolinensis gnosticus 8502. Ce papyrus contient d'abord un premier écrit intitulé l'Évangile de Marie, suivent l'Apocryphon de Jean, la Sagesse de Jésus-Christ et l'Acte de Pierre, assez bref en comparaison des autres traités. Le manuscrit présente quelques lacunes qui l'ont privé de sept feuillets et qui affectent l'Acte de Pierre. Comme les trois autre écrits du codex de Berlin, l'Acte de Pierre est rédigé en sahidique, mais l'original aurait été écrit en grec. Les quatre écrits du codex auraient été copiés dans les premières années du Ve siècle de notre ère. Cet écrit relate un miracle de type encratite, mais non gnostique. Il provient sans doute, selon Louise Roy, de la première partie des Acta Petri, et s'il se trouve ajouté au recueil d'écrits gnostiques du papyrus de Berlin, ce fut peut-être tout simplement, selon elle, par un copiste préoccupé de ne pas laisser une partie du cahier en blanc.
La scène racontée par l'Acte de Pierre a lieu un dimanche (128,1-7). Pierre guérit de nombreux malades devant une foule de gens. Cependant, sa fille reste couchée dans un coin, tout un côté du corps paralysé. Une personne de l'assistance demande alors à Pierre pourquoi il n'utilise pas le pouvoir de Dieu pour guérir sa propre fille (128,7-129,8). Pierre lui répond que ce n'est pas par impuissance que Dieu n'accorde pas ses faveurs à sa fille mais plutôt pour éprouver la foi de tous. Et joignant l'acte à la parole, Pierre dit à la jeune fille de marcher vers lui. Elle se lève alors et vient vers Pierre, devant une foule qui s'en réjouit (130,1-18). Mais Pierre ordonne aussitôt à sa fille de reprendre sa place et, à nouveau, la paralysie la saisit. La foule en larmes implore l'apôtre de lui rendre la santé. Pierre raconte alors que le jour même de la naissance de l'enfant une vision lui apprit que, si elle demeurait en santé, elle serait pour lui un grand sujet d'épreuves (131,12-140,13). De fait, en grandissant, la jeune fille devint si attirante qu'un homme très riche, Ptolémée, la demanda plusieurs fois en mariage, malgré le refus constant de sa mère. Ici, le récit est interrompu par la perte des pages 133-134. Il continue lorsque Pierre et sa femme, ayant trouvé leur fille à demi paralysée à la porte de leur maison, remercient le Seigneur de l'avoir préservée de l'impureté. Quand à Ptolémée, il fut si attristé qu'il pleura jour et nuit au point de devenir aveugle et de vouloir se pendre. Mais une vision le détourna du suicide et l'envoya vers Pierre qui le guérit "dans sa chair et dans son âme". Par la suite, Ptolémée mena une vie exemplaire. À sa mort, il n'oublia pas la jeune fille, et lui légua une parcelle de terre, que Pierre vendit et dont il distribua le prix aux pauvres. Pierre ayant démontré par son récit la providence de Dieu, exhorte la foule à la prière. Puis il distribue le pain eucharistique et retourne chez lui (140,7-13).
Ce volume contient le texte copte des deux écrits établi respectivement par Donald Rouleau et Louise Roy, accompagné de leur traduction française, ainsi qu'une introduction et un commentaire pour chacun des traités. Il contient également une bibliographie, un index grec et un index copte pour les deux textes.